Comme d’autres régions, la Champagne souhaite accélérer le mouvement vers une viticulture durable. Avec une production intensive, elle a pourtant été considérée par certains comme le mauvais élève du bio. Aujourd’hui des vignerons indépendants aux grandes maisons, les Champenois semblent revenir au bon sens. En atteste notamment Bertrand Lhôpital (Champagne Telmont).
Sans le savoir, depuis des siècles, nos agriculteurs utilisaient déjà des méthodes bio. Ils observaient le sol, son environnement. Mais dans les années 60, la vie des paysans va brusquement changer. Les engrais et autres produits chimiques apparaissent. Ils permettent de travailler autrement et surtout de produire plus… C’est aussi le cas en viticulture, en Champagne, comme ailleurs. A l’époque, les vignerons pensent que les engrais et les pesticides symbolisent le progrès. Pourtant, dès 1970, sept vignerons tirent la sonnette d’alarme, effrayés notamment par l’appauvrissement de leurs terres, la disparition de la faune et de la flore. Mais faire du bio en Champagne, c’est travailler plus, produire moins et parfois accepter de perdre 25 % de sa récolte… Afin de rattraper le retard, de plus en plus de vignerons commencent à changer leurs pratiques. En 1989, Jean-Pierre Fleury est le premier Champenois aÌ€ cultiver son vignoble en biodynamie. A peine dix ans plus tard, un groupe de vignerons crée même l’Association des Champagnes Biologiques (ACB) . Fin 2021, la Champagne compte 420 structures certifiées bio ou en conversion, soit 4 % de l’AOC. L’interprofession du champagne a récemment créé son propre label environnemental : la viticulture durable en Champagne (VDC) et prévoit l’interdiction totale des herbicides en 2025.
Au nom de la Terre
Fondée en 1912, la Maison de Champagne Telmont est implantée à Damery, près d’Épernay. Créée en 2020 par Henri Lhôpital à la suite de révoltes champenoises, le groupe familial français de spiritueux Rémy Cointreau devient actionnaire majoritaire aux côtés notamment de Bertrand Lhôpital, 4e génération, qui demeure Chef de Cave et Responsable de viticulture. Son engagement fort et le respect de ses terroirs accompagnent la Maison dans une démarche environnementale très exigeante.
« Quand on va vers du changement, ce n’est jamais évident. On a le confort des habitudes. Grâce à ma formation d’agronome, j’ai pu voir comment évoluait le monde agricole. Il y a toujours un léger décalage entre l’agriculture et la viticulture. Quand je suis revenu en Champagne, j’étais le vigneron classique à qui on demandait de produire régulièrement, du beau raisin. Il y avait déjà des initiatives et des précurseurs en bio dans les années 70-80 mais je n’en faisais pas partie. Nous les prenions pour des fous et aujourd’hui, il faut leur rendre justice. Il fallait essayer autre chose même s’il ne faut pas cracher sur le passé. Ceci dit, à l’époque, j’étais quand même choqué de voir l’utilisation d’un certain nombre de produits sur lesquels il y avait une tête de mort… J’ai commencé à réfléchir comment changer ces choses. »
Pas si simple
« Chez Telmont, nous avons adhéré à un cahier de charge qui n’existe plus aujourd’hui parce qu’il n’a pas su évoluer mais qui amorçait le changement. Il abandonnait déjà les herbicides et préconisait l’utilisation de produits phyto de moindre nuisance, de façon intégrée : on intervient mais en prêtant attention à tout l’environnement entourant la vigne. Très vite, la flore et la faune se portaient déjà mieux. Dans les années 2000, la vie revenait. Nous réapprenions ce que nous avions oublié : le travail du sol. J’ai continué à avancer : je voulais tester le bio avant d’y entrer. J’en ai parlé à mon père, à ma sœur mais malheureusement, j’ai été confronté à des hostilités et des résistances internes. Mon père m’a dit que je devais me limiter à mes propres vignes. J’ai tenu bon et j’ai abandonné les produits phyto en 2009. Quatre ans plus tard, j’ai sorti mes premières bouteilles mais sans certification. »
En conversion en 2015
« En 2014, j’ai enclenché la conversion et, en 2015, la biodynamie. Depuis 2017, cette parcelle est certifiée bio. En biodynamie, on considère le sol comme un substrat non pas inerte mais vivant et qui a son rôle à jouer en termes de symbiose avec la vigne. Mais avec 26 hectares on ne peut pas raisonner comme avec 2 hectares. Nous sommes attentifs au calendrier lunaire surtout pour certaines étapes mais aussi on oublie parfois un astre essentiel : le soleil. Je ne suis qu’au niveau 1 de la biodynamie. Je suis intéressé par les autres niveaux mais je n’en suis pas encore là, je préfère être transparent. Parfois nous faisons des compromis. Il faut regarder sa vigne, comprendre le végétal et être pragmatique. Comme m’a confié Vincent Masson, formateur. Dans le travail viticole, il y a 80% d’agronomie, 15% de bio et 5% de biodynamie … Avant même d’être bio ou biodynamiste, il faut être agronome càd connaître la vie de son sol, son terroir. Parfois il faut travailler les sols, parfois pas. Ce sont ces connaissances que nos anciens avaient mais que nous avons perdues. Nous tentons de nous les réapproprier, de réapprendre. Une analyse de sol ne remplacera pas le bon sens du paysan. On raisonne de manière plus globale. »
Intégralement en bio en 2025
Dans ses cuvées, Bertrand aime laisser s’exprimer le terroir, en apportant son savoir-faire pour révéler toutes les spécificités de la nature. En tant qu’entreprise, Telmont a pour objectif de produire de la manière la plus durable possible un vin de Champagne de grande qualité et bio. Fortement engagée pour la préservation du terroir et de sa biodiversité, Telmont vise la conversion de l’intégralité de son vignoble en agriculture 100% biologique d’ici 2025. Depuis juin 2021, la Maison a abandonné suremballage, étuis et coffrets cadeau, pour se concentrer sur l’essentiel : la bouteille, et rien que la bouteille. Elle a également décidé de ne plus recourir au verre transparent – issu de 0% de verre recyclé – mais uniquement à des bouteilles vertes intégralement recyclables, fabriquées avec 85 % de verre recyclé. S’approvisionnant à 100 % en électricité renouvelable, Telmont a également exclu le transport aérien pour son approvisionnement et sa distribution. La Maison privilégiera les moyens de transport les plus performants en matière de développement durable.
DiCaprio aussi
Enfin, Telmont a placé la transparence au cœur de son projet environnemental « Au Nom de la Terre » : chacune des bouteilles est dotée d’une étiquette numérotée, révélant tous les détails de la composition et de l’élaboration de chacune de ses cuvées. Le comédien Leonardo DiCaprio a rejoint Telmont en tant qu’investisseur. « La prise de participation de Leonardo DiCaprio est un formidable message de soutien, qui nous encourage dans la réalisation de nos projets ambitieux. Nous partageons les mêmes convictions et le même engagement pour la protection de l’environnement : notre Maison a un pied dans la tradition et l’autre dans la modernité, mais les deux pieds dans la terre. Dans tout ce que nous entreprenons, c’est Au Nom de la terre que nous agissons », précise Ludovic du Plessis, Président et actionnaire de la Maison Telmont.
Mes coups de cœur pour vos fêtes :
Champagne TELMONT, la cuvée Réserve pour l’apéritif et Vinotèque pour accompagner tout le repas.
Et aussi le Blanc de Noirs chez Champagne BRICE
La cuvée Shaman de Champagne MARGUET
Texte : Muriel Lombaerts (article paru dans Biotempo décembre 2022)
Photo : Champagne Telmont